Éric Lindros à Tout le monde en parle, 12 février |
NON À SAULT STE. MARIE
On le voyait venir de loin, ce jeune colosse originaire de London en Ontario. Dès son jeune âge, les recruteurs l'avaient dans leur mire. À l'âge de 15 ans, il jouait même avec des adultes de 20 ans. Pas surprenant que les Greyhounds de Sault Ste. Marie en ait fait leur premier choix au repêchage de 1989, et ce même si la famille Lindros avait signifié aux dirigeants de l'équipe de ne pas repêcher leur fils, car il ne se rapporterait pas à la formation junior. Pour les parents, Carl et Bonnie, la ville ontarienne est trop loin (7 heures) et ils veulent que leur fils évolue plus près de chez lui. Un comportement parental qui se comprend parfaitement, mais bien sûr très décevant pour une équipe qui aimerait compter dans ses rangs un tel joueur prometteur. Après avoir débuté la saison à Detroit, dans la North American Hockey League, Sault Ste. Marie échange Lindros aux Generals d'Oshawa au mois de décembre.
LES NORDIQUES? PAS QUESTION!
Repêchage 1991 |
Les feux sont braqués sur Éric Lindros de façon significative au début de la saison 1990-91, car on le sait, c'est son année de repêchage. Le grand ontarien brûle la ligue de l'Ontario, remporte l'or aux championnats mondiaux junior. Pendant ce temps, les Nordiques se maintiennent au bas du classement. Le repêchage 1991 marque aussi l'arrivée de deux nouvelles équipes, les Senators d'Ottawa et le Lightning de Tampa Bay. Marcel Aubut, le grand argentier des Nordiques, le vrai boss de l'équipe, s'assure qu'il pourra avoir le premier choix et qu'il n'y ait aucune faveur envers les équipes d'expansion.
Mais tout comme lors du repêchage junior, le clan Lindros est ferme, pas question que leur fils se rapporte aux Nordiques, si ces derniers le repêchent comme prévu. Dirigés par Pierre Pagé (il est entraîneur-chef et dg), l'organisation maintient le cap malgré les intentions de la famille Lindros; elle repêchera le prodige # 88.
Finalement, le jour du repêchage arrive. Éric Lindros est dans les estrades avec toute sa famille, il sait ce que les Nordiques vont le repêcher et ces derniers savent qu'il ne veut pas jouer eux. Lindros a même dit qu'il ne mettrait pas le chandail fleurdelisé sur le dos, un affront pour tous les fans de ce piètre équipe. Ça y est, son nom est prononcé, le jeune homme a un sourire un peu gêné, tout le monde le félicite. Il monte sur l'estrade et rencontre officiellement les dirigeants des Nordiques.
Les Nordiques veulent convaincre le hockeyeur et utiliseront une foule de stratégies pour qu'il soit présent au camp d'entraînement ou du moins qu'il signe un jour ou l'autre avec les Nordiques. On pense même à envoyer le grand Guy Lafleur, qui s'alignait alors avec Québec, afin qu'il adoucisse l'humeur de la famille. Rien ne fonctionne. Ni même une offre contractuelle mirobolante.
Ce que l'on apprend dans le documentaire, c'est que le père d'Éric Lindros travaillait dans le monde des finances et il avait fait sa petite enquête sur Marcel Aubut. La conclusion ne plaisait pas du tout aux parents. Alors, les dés étaient pipés d'avance.
L'ÉCHANGE DU SIÈCLE
Au repêchage de 1992 qui se déroule à Montréal, après avoir dit qu'il n'échangerait jamais Éric Lindros, Marcel Aubut se résout finalement à se départir du joueur ontarien. Mais il conclut deux transactions pour Lindros; une avec les Flyers, l'autre avec les Rangers. La cause est vue par un arbitre qui tranche en faveur des Flyers. Le fait que Marcel ait conclu deux échanges donne un peu raison aux Lindros d'avoir refusé d'envoyer leur fils sous ses ordres. Marcel aura voulu faire son show dans le fief des Canadiens.
Bref, le juge Larry Bertuzzi conclut que les Flyers sont les gagnants du duel. Dans cet échange gigantesque, Lindros prend donc le chemin de Philadelphie en retour de Ron Hextall, Steve Duchesne, Chris Simon, Mike Ricci, Kerry Huffman, Peter Forsberg (premier choix des Flyers en 1991), les premiers choix des Flyers de 1993 et 1994 et 15 millions de dollars. Tout ça pour un gars qui n'a jamais joué dans la LNH.
On connaît la suite, les Nordiques deviennent une équipe gagnante dès la saison 1992-93 et déménageront au Colorado en 1995 pour remporter la Coupe Stanley dès leur arrivée. De son côté, Lindros jouera 13 saisons dans la LNH, dont huit avec les Flyers. Jamais il ne jouera une saison complète dans la LNH, sa carrière étant marquée par des commotions cérébrales répétées, principalement due à son style de jeu excessivement robuste.
LES COMMOTIONS, SON CHEVAL DE BATAILLE
Comme il s'est retrouvé plus souvent qu'autrement sur le carreau en raison des commotions subies, Lindros en a appris beaucoup sur le sujet. Il est un peu celui qui a conscientisé la LNH sur le problème des commotions cérébrales, des protocoles à observer en cas de blessure à la tête et la recherche.D'ailleurs, un centre médical de recherche à London est nommé en son honneur, mais à celui de son frère, Brett, qui n'a joué que 51 matchs dans la LNH, lui aussi victime de commotions.
LA RÉDEMPTION
Autant dans le documentaire que durant sa présence à Tout le monde en parle, on a connu un homme tout le contraire de ce qu'on imaginait. Sa gentillesse hors glace est remarquée par ses anciens coéquipiers dont Marc Bureau, Mikael Renberg et John LeClair. On souligne également qu'il était un grand leader. Tout le contraire ce qu'on imaginait réellement.
Il souligne qu'il aurait joué avec les Nordiques, n'eut été d'une personne, facilement identifiable comme étant Marcel Aubut, qu'il n'avait pas de haine envers les gens de Québec et le reste de la province. Il aurait même couru pour jouer à Montréal. Un homme prétendument francophobe n'aurait sûrement pas épousé une fille de Montréal.
Pour ma part, j'ai trouvé un homme cultivé, encore passionné par le sport, désireux de faire avancer la recherche sur les commotions cérébrales. Un homme changé par le temps et les épreuves.
Éric Lindros a été intronisé au Temple de la renommée du hockey à Toronto à l'automne. Une décision pas unanime chez les fans, mais selon ses coéquipiers et adversaires, sa place est pleinement méritée.
Félicitations à RDS et à Tout le monde en parle pour un documentaire et des entrevues de grande qualité.
26 ans plus tard, il endosse le chandail des Nordiques |
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