vendredi 18 novembre 2011

Les Expos : entre joie et peine

12 août 1994
Les Expos reviennent de Pittsburgh fort d’une incroyable série victorieuse de 20 gains en 23 parties! C’est simple, l’équipe perd en moyenne une fois par semaine. Ils devancent les Braves par six parties et eux-mêmes ne voient pas comment ils peuvent rattraper les Expos. Mais le 12 août est une date fatidique, c’est le début de la grève des joueurs. Pour quelques observateurs, cette grève ne durerait que quelques jours, voire une semaine ou deux. Mais non, elle s’éternise pendant des mois. On annule la balance de la saison et les séries. Rien ne se règle avant la fin avril de l’année suivante, non sans l’intervention du conseil des normes du travail américain. Les Expos n’allaient pas se remettre de cette grève, point de départ d’une lente agonie qui a duré 10 ans.
Depuis 1992, surtout depuis que Felipe Alou avait été nommé gérant de la formation, les Expos ne faisaient que progresser et gagner. 87 victoires en 92 et une chaude lutte avec les Pirates au mois de septembre. 94 victoires en 93 et une chaude lutte avec les Phillies. Cette année-là, les Expos avaient carrément explosé en août et en septembre. Le 20 août, les Expos détenaient une fiche de 64 victoires et 59 défaites à 14 matchs et des Phillies. Mais le tonnerre retentit, comme si le talent des jeunes Expos avait soudainement jailli du fin fond d’eux-mêmes. Dans les 38 dernières parties, les Expos ont trouvé le moyen de gagner 30 fois!!! C'est seulement le temps qui leur a manqué, finissant à trois matchs des Phillies. Mais ce n’était qu’un au revoir.
En 1994, tous les espoirs étaient permis. On avait pourtant échangé le talentueux deuxième-but Delino DeShields contre le jeune prodige Pedro Martinez. Les fans étaient outrés, on pensait que c’était une autre manœuvre pour économiser de l’argent. Oui, mais non. On savait que le jeune Martinez avait un potentiel illimité. De plus, il fallait un bras pour remplacer Dennis Martinez qui avait signé à Cleveland. Le personnel de lanceurs partants comptait Ken Hill, Pedro Martinez, Butch Henry, Jeff Fassero et Kirk Rueter. En relève, il était pratiquement impossible de venir à bout des Tim Scott, Jeff Shaw, Gil Heredia, Mel Rojas et John Wetteland. Du côté de la défensive et de l’attaque, c’était la même chose, un feu roulant de domination. Les Expos avaient vraiment toutes les chances de leur côté. En plus, avec Felipe Alou à la tête de l’équipe.
Du 1er juin au 11 août, soit pendant une séquence de 64 rencontres, les Expos ont remporté 46 parties et n’ont perdu que 18 fois, soit une incroyable moyenne de .718. Aucune équipe n’a joué pour ce rendement dans l’histoire. Le plus ironique est que deux fois pendant cette séquence, ils ont été balayés à domicile lors de séries de trois et quatre rencontres.
Malgré cette saison extraordinaire, les Expos n’attiraient pas toujours des foules extraordinaires. Même au plus fort de la course en juillet, on pouvait compter que 17 ou 18 000 spectateurs. Des parties sur semaine, certes, mais pendant la période estivale où les Canadiens n’étaient pas dans le décor. Peut-être que Montréal est une ville qui compte une foule d’activités durant l’été, mais le désir des amateurs de baseball était exaucé : une équipe gagnante. Ce n’était pas le temps de manquer de foi. Pour ma part, j’étais au rendez-vous avec 45 290 autres spectateurs le lundi 27 juin quand les Expos ont accueilli les Braves. Ken Hill (10-3) affrontait Greg Maddux (10-3). Dans une rencontre émotive au possible et où les partisans se sont manifestés comme au Forum, les Expos ont mis les Braves au pas par la marque de 7-2. C’était l’hystérie. C'est le 22 juillet que les hommes de Felipe prenaient définitivement la tête du classement pour ne plus jamais la perdre.
Les victoires se succédaient à un rythme effréné quand la cloche a sonné le 12 août à minuit. Certains pensaient que tout allait se régler en quelques jours. Mais non, ce n’est pas avant avril 1995 que la grève se terminerait. Aucun changement n’avait été apporté dans les négociations, c’est une injonction de l’association des joueurs, en colère en raison de la présence de briseurs de grève, qui a redonné le baseball aux fans. Mais le mal était fait. Les Expos disaient avoir perdu 20 millions de dollars et qu’ils devaient absolument éponger ces pertes en échangeant leurs vedettes. Exit Grissom, Wetteland, Hill et Walker. En retour, quelques joueurs pour remplir des uniformes.
L’année 1995 fut une année de transition où la douleur n’a jamais été soulagée. 66 victoires en 144 parties. Condamnés à voir dominer les vedettes de 1994 ailleurs, les fans n’ont pas accouru au stade. Par contre, en 1996, grâce à quelques brillantes acquisitions de Kevin Malone, dont David Segui et Henry Rodriguez et avec l’émergence du jeune Mark Grudzielanek et du vieux routier FP Santangelo, les Expos étaient de retour dans la course au meilleur deuxième luttant désespérément jusqu’au dernier weekend. Une belle saison de 88 victoires, le plus de victoires que les Expos allaient remporter jusqu’à leur départ. Quelques efforts de marketing des Expos comme des billets à 5$ ont permis à 1,6 million de partisans de franchir les tourniquets. Mais c’était bien peu pour une équipe en lutte jusqu’à la fin.
La société en commandite possédant le club a vendu à un Américain du nom de Jeffrey Loria et son partenaire David Samson en 1999. Les deux ont fait n’importe quoi avec cette équipe, la donnant au baseball majeur qui l’a gardée sous tutelle jusqu’en 2004. Aucun investisseur ne s’est manifesté pour garder l’équipe à Montréal. Plutôt, le baseball majeur n’a jamais voulu qu’un investisseur garde l’équipe à Montréal. Plusieurs croient que Loria a été mandaté par le baseball majeur pour sortir les Expos de la métropole. Difficile à penser le contraire quand deux ans plus tard, il quittait vers la Floride avec son nain de jardin adoré. Parions que quelqu'un était mandaté aussi pour faire achopper les négociations en 1994 pour ne pas qu'une autre équipe canadienne gagne les grands honneurs.
Les années qui ont suivi ont été moroses, parfois épicées de belles performances sur le terrain, mais les Québécois avaient grandement été froissés par la grève de 1994. Et comme on se débarrassait des gros salariés constamment pour reconstruire, tout le monde en avait ras le bol. Inversement, le lock-out de la LNH en 2004-05 a fait en sorte que les partisans des Canadiens n’ont plus jamais quitté le Centre Bell. Mais l’impact de la grève du baseball majeur sur les partisans de baseball de Montréal a été mortel.
Les Expos ont donné une dernière course à leurs admirateurs en 2003, alors qu’ils ont bataillé pour la place de meilleur deuxième. Mais le manque de ressources les a tués. La saison finale de 2004 en serait une longue, triste, bien plus palpitante dans les coulisses que sur le terrain. Avec le trophée de la Série mondiale dans les mains, Pedro Martinez a dédié cette victoire à tous les fans de Montréal qui venait de perdre leur équipe. Ce Pedro mérite d'être appelé St-Pedro seulement pour avoir pensé à ses anciens supporteurs.
Les Expos de Montréal n’ont jamais laissé personne indifférent. Bien que certains soirs, on pouvait nommer les spectateurs, plusieurs amateurs demeuraient à la maison pour regarder les parties à la télé. Malheureusement, les dirigeants devaient manœuvrer avec un budget serré au point de devoir se départir constamment de leurs meilleurs éléments. La cruauté du marché fait pour les riches a frappé Montréal en 1994 pour enlever à l’équipe et à la ville ce dont elle avait besoin pour vivre plusieurs années encore : un championnat. Au lieu de cela, les Expos ont tranquillement sombré dans l’oubli, injustement. Qui est à blâmer pour la mort des Expos? Les fans? Les médias? Les dirigeants? Le baseball majeur? Tous ont leur part, quelques uns plus que d’autres.
Mais qu’il en soit, personne n’oubliera qu’en 1994, les Expos avaient la meilleur du baseball majeur, la meilleur de l’histoire de la concession et que tout le monde a été dupé pour des foutus millionnaires en chicane. Aujourd’hui, aucun des anciens joueurs ou anciens propriétaires ne vit tristement dans une maison de pauvre dans un bidonville haïtien.
Sur une note positive, voici mon alignement tout étoile des Expos.
1B - Andres Galarraga
2B - Jose Vidro
3B - Tim Wallach
SS - Orlando Cabrera
C - Gary Carter
CG - Moises Alou
CC - Marquis Grissom
CD - Vladimir Guerrero
Lanceur partant - Dennis Martinez
Releveur de fin de match - John Wetteland
Gérant - Felipe Alou
Plusieurs opteraient pour Tim Raines, Andre Dawson et Larry Walker au champ. Avec raison pour Raines, mais en ce qui a trait à Dawson, le grand voltigeur a souvent laissé tomber les Expos en faillant à la tâche en temps opportun. Pour ce qui est de Walker, un certain Guerrero est arrivé deux ans après lui. Au monticule, d'autres iraient avec Steve Rogers ou Pedro Martinez. Ils n'auraient pas tort. En fin de match, il est évident que Jeff Reardon aurait sa place. Au 2e coussin, Mike Lansing aurait mérité d'être considéré.
Voilà, ceci termine ce billet sur une partie de l'histoire des Expos. Même s'ils ont déménagé à Washington depuis la saison 2005, ce n'est pas le dernier message les concernant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire